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12-11-2024

Côte d’Ivoire : Comment transformer l’orpaillage illégal en un facteur de développement local et de stabilité ?

Coginta travaille depuis 2021 sur la problématique de l’orpaillage illégal, un phénomène de plus en plus répandu à travers la bande sahélo-saharienne et en Afrique de l’Ouest, à travers ses projets SECORCI en Côte d’Ivoire. Mise en œuvre dans le département de Tengréla, la phase actuelle du projet d’appui à la sécurisation et à la valorisation de l’exploitation aurifère artisanale comme facteur de développement et de cohésion sociale au nord de la Côte d’Ivoire (SECORCI 2) a démarré en juillet 2024.

Le département de Tengréla est adossé à la frontière malienne à plus de 750 km de route au nord de la capitale Abidjan. C’est une porte d’entrée de la Côte d’Ivoire, situé sur l’un des axes stratégiques reliant les pays du Sahel – principalement le Mali mais également le Burkina Faso voisin – au golfe de Guinée. La zone revêt donc une importance géopolitique particulière pour le pays, surtout en regard de la détérioration de la situation sécuritaire dans la région sahélienne au cours de la dernière décennie. Zone périphérique s’il en est, encore largement à la marge du développement socioéconomique que connaît le pays depuis quelques années, le département s’est pourtant découvert une richesse inespérée dans son sous-sol : l’or.

La Côte d’Ivoire était en 2022 le 7ème producteur d’or en Afrique. L’exploitation minière artisanale représentait officiellement quelque 4 tonnes, contre 48 tonnes pour la production industrielle. Mais selon un rapport de 2024 de Swissaid, jusqu’à 40 tonnes d’or par an pourraient être extraites par des artisans miniers de manière illicite en Côte d’Ivoire. Ainsi, le département de Tengréla a connu ces dernières années une véritable ruée vers l’or.

Dans un contexte local transfrontalier marqué par une forte pauvreté, l’orpaillage représente une opportunité économique irrésistible pour de nombreux jeunes. Mais cette aubaine économique n’est pas sans conséquences. L’afflux parfois massif d’orpailleurs laisse des traces visibles dans ce paysage traditionnellement dédié à l’agriculture : terres éventrées, précaires abris de bâches noires se multipliant jusqu’à constituer de véritables petites villes à l’orée des villages, populations migrantes en situation de grande vulnérabilité, prostitution, déchets et pollution des sols et des eaux. Moins visibles, des transformations sociales rapides au sein des populations autochtones sont vecteurs de tensions, entre ceux d’ici et ceux d’ailleurs, ceux qui misent sur l’or et ceux qui craignent la perte de modes de vie ancestraux. Sans parler des réseaux criminels qui profitent dans l’ombre de la circulation de personnes et de capitaux induite par l’exploitation de l’or.

C’est dans ce contexte que Coginta est arrivée à Tengréla en 2021, avec le soutien de l’Union européenne et du Conseil National de Sécurité de Côte d’Ivoire. Sécurité, Or, Côte d’Ivoire : le projet SECORCI a été construit autour de ces trois mots-clés, afin de répondre de manière holistique aux enjeux de sécurité publique, mais également économiques et sociaux, liés à l’exploitation aurifère artisanale illicite dans le département de Tengréla.

Le Secrétaire Général de la préfecture de Tengréla et d’autres autorités admettent aujourd’hui leur scepticisme initial lorsque l’équipe du projet SECORCI a pris ses quartiers dans le département en 2021 : « on pensait qu’on ne pouvait pas renverser la vapeur », concédait un participant à un atelier de retour d’expérience en mars 2024. Le changement induit par le projet est aujourd’hui largement reconnu. Un responsable religieux du département a même affirmé lors d’une rencontre en mars 2024 que le projet SECORCI avait mené à un « changement de mentalité » : une prise de conscience notamment parmi les orpailleurs des avantages d’opérer dans la légalité, un dialogue retrouvé entre populations et forces de l’ordre, et un intérêt marqué parmi les chefs traditionnels pour la réhabilitation d’anciens sites miniers laissés à l’abandon.

La nouvelle phase du projet qui démarre aujourd’hui s’appuie sur les leçons apprises depuis 2021 en ajoutant un volet environnemental à l’action. Son ambition est notamment de cartographier plus précisément l’ampleur des dégâts environnementaux causés par l’orpaillage dans le département, puis d’appuyer les autorités locales, traditionnelles et religieuses pour y remédier.

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