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Côte d’Ivoire : Le CEFAM, un centre pionnier pour la formation des artisans miniers
Le 29 août dernier s’est déroulée à Papara, à l’extrême nord de la Côte d’Ivoire, la cérémonie de clôture de la sixième cohorte de formation du Centre de Formation à l’Artisanat Minier (CEFAM). Au total, trente impétrants – dont onze femmes – ont reçu leurs attestations de formation, marquant la fin de trois mois d’apprentissage intensif. Avec une demande en forte croissance et des étudiants qui viennent de plus en plus loin pour suivre ses cours, ce centre de formation unique en son genre est tout à fait novateur dans son approche, et les enjeux inhérents à son existence sont multiples.
Inauguré en janvier 2023, lors de la première phase du Projet d’appui à la sécurisation et à la valorisation de l’exploitation aurifère artisanale comme facteur de développement et de cohésion sociale au nord de la Côte d’Ivoire (SECORCI), financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Coginta, le CEFAM a pour vocation d’accompagner la structuration et la professionnalisation de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE), afin de lutter contre l’orpaillage illégal et ses conséquences dévastatrices. En effet, l’orpaillage est encore largement pratiqué en Côte d’Ivoire selon des connaissances traditionnelles amenées par des orpailleurs venant du Mali ou du Burkina Faso, où cette activité était pratiquée de longue date. Or, ces techniques rudimentaires sont non seulement peu efficaces, ne permettant d’extraire qu’une fraction du minerai présent dans les sols sans véritable prospection préalable, mais également dangereuses pour les travailleurs et destructrices pour l’environnement.
Ainsi, le développement du CEFAM est le fruit d’une étroite collaboration avec les institutions partenaires – l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INP-HB) de Yamoussoukro, la Direction générale des mines et de la géologie (DGMG), la Société pour le développement minier de la Côte d’Ivoire (SODEMI), les services des Eaux et Forêts, l’Office du service civique national (OSCN) – et de l’appui technique fourni par la Direction de l’apprentissage et de l’insertion professionnelle (DAIP). En vue de pérenniser ses activités et de renforcer son positionnement en tant qu’école de référence en matière d’artisanat minier, le CEFAM va d’ailleurs être placé prochainement sous la tutelle de la DAIP.
Afin de pouvoir proposer une formation certifiée et reconnue par l’État ivoirien, le projet SECORCI a favorisé la mise en place de certificats de qualification professionnelle (CQP) en lien avec la DAIP. Les apprenants suivent donc des modules à la fois théoriques et pratiques, portant notamment sur la législation et la prospection minière, le traitement du minerai, la commercialisation de l’or, la maintenance d’engins miniers, la réhabilitation des sols, ou encore la valorisation des déchets. Ils sont également formés, à travers des modules complémentaires, sur la protection de l’environnement, la prévention des risques sanitaires, les règles de sûreté et de sécurité au travail, la gestion administrative et financière, ou le respect des droits humains. Cette formation leur permet d’acquérir les compétences nécessaires pour exercer de manière professionnelle et responsable dans le secteur de l’exploitation minière artisanale.
La création du CEFAM marque clairement une rupture avec les politiques publiques traditionnelles en matière de régulation de l’EMAPE, qui se concentrent principalement sur la répression, en tentant d’interdire ou de limiter l’accès aux zones minières et en imposant des réglementations strictes. Elle illustre aujourd’hui une volonté du gouvernement ivoirien et des autorités locales de transformer l’exploitation minière artisanale en un vrai levier de développement. Cette approche, prônée par Coginta, repose sur la reconnaissance que les mineurs ne sont pas des délinquants, mais bien des acteurs économiques souvent contraints à l’illégalité faute d’alternatives. Il ne faut donc pas seulement encadrer l’activité aurifère, mais aussi l’inscrire dans une logique de développement socio-économique local et durable. Cela passe notamment par le dialogue constant avec les collectivités locales, les chefs traditionnels, les services techniques de l’État, les forces de l’ordre, mais aussi avec les mineurs eux-mêmes.
L’expérience du CEFAM soulève également de l’intérêt au-delà des frontières de la Côte d’Ivoire. La question de la formation des artisans miniers a notamment été abordée lors de l’atelier régional d’apprentissage et d’échange de connaissances sur une EMAPE de l’or durable et responsable en Afrique de l’Ouest et au Sahel, organisé par la Banque mondiale à Accra en juin 2025. Les participants à cette initiative reconnaissent l’importance de formations intégrées au sein des communautés, dispensées en langues locales et coconstruites avec les acteurs locaux. Leur conclusion était que le renforcement des capacités doit s’inspirer de la structure des systèmes économiques formels, tout en respectant l’informalité et le contexte de l’EMAPE. Mais des exemples concrets de telles formations sont rares. L’exemple du CEFAM, présenté lors de cet atelier, fait figure de précurseur.
Situé à Papara, le CEFAM est en pleine zone aurifère, ce qui est un choix stratégique important. Cette localisation permet ainsi au centre de toucher directement les mineurs et d’offrir une opportunité de développement professionnel gratuit et facile d’accès. Il s’agit d’une vraie démarche d’insertion professionnelle et de valorisation du secteur artisanal dans un cadre légalisé et professionnalisé. Grâce à la formation structurante qu’il dispense, le CEFAM aide à formaliser l’activité minière artisanale directement où elle a lieu, en incitant les mineurs à adopter des pratiques conformes à la réglementation.
Le CEFAM permet donc de faire entrer dans l’économie formelle les mineurs grâce à une formation exhaustive qui leur permette soit d’intégrer des mines existantes, soit de se structurer en coopératives minières. En offrant des formations pratiques et axées sur l’entrepreneuriat, le CEFAM permet également aux communautés locales de bénéficier d’une exploitation minière plus responsable, tout en contribuant à la création d’emplois stables et à l’autonomisation économique. Il représente ainsi un modèle de développement inclusif qui peut être reproduit dans d’autres régions confrontées à des problématiques similaires.
Finalement, l’approche du CEFAM est aussi novatrice en ce qu’elle intègre des partenaires locaux dans la gestion des ressources naturelles. Plutôt que de chercher à exclure les communautés des activités minières, elle propose une gestion concertée des ressources qui profite à la fois aux communautés locales et à la protection de l’environnement. Depuis son inauguration, le CEFAM a déjà permis de former près de 180 stagiaires venus de différents horizons. La prochaine cohorte est d’ores et déjà programmée pour janvier 2026, réunissant trente nouveaux impétrants – dont un tiers de femmes – issus de toute la Côte d’Ivoire.